Illustration : Noémie Klein


Tout est à réévaluer,
jusqu’à l’habitude que prend la femme de tourmenter son corps

Cela fait si longtemps que je n’ai pas écrit, je me demande si j’en suis encore capable. Je sais pourtant comme l’écriture est une médecine, comme un témoignage est une guérison que l’on s’offre à soi, aux autres. Aujourd’hui, je me sens appelée par ce partage, c’est nécessaire, c’est viscéral. Il est temps. Je le sens dans mon cœur, dans mes jambes lourdes, dans mon ventre endolori, dans le bourdonnement qui siffle dans mes tympans… Sous la fine couche de ma peau l’urgence bat le rythme. Alors, je retrouve peu à peu la magie des mots, lorsque je me laisse happer par le flow comme si mon âme prenait le relais. Je deviens spectatrice d’une danse merveilleuse. Je me laisse surprendre par ce qui vient dans l’instant et je découvre en me lisant, ma vérité.

Mercredi 20 mai, j’ai reçu un soin, à la fois massage, à la fois énergétique, d’une durée d’environ deux heures. Pendant ce soin, j’ai traversé de nombreux états émotionnels, certains attendus (détente, relâchement, confiance, lâcher-prise…) certains perturbants (angoisse, protection, appréhension, désamour…). Je ne m’attendais pas à ce que ce moment me guide vers ces parts d’ombre. Il faut comprendre, je m’offrais ce temps de bien-être pour recevoir de l’amour, chérir mon corps, passer un moment doux avec moi-même. Je commence la rédaction de cet article environ 24h après ce soin et je ne me sens toujours pas apaisée.

J’ai reçu ce massage de la part d’une femme thérapeute pour qui j’ai énormément d’amour et une confiance infinie en ses pratiques et ses dons. C’est important pour moi de le préciser car je ne souhaite pas créer de confusion. Une fois le soin terminé, après de longues minutes seule à prendre le temps de m’ancrer à nouveau dans la matière et réincarner pleinement mon corps, nous nous sommes retrouvées. Nous avons échangé sur nos ressentis respectifs, et avec une légère appréhension, de peur de ne pas choisir les bons mots et de me blesser, elle m’a dit : « c’est comme si ton corps était décomposé ». Ma réaction spontanée à été de répondre « wow c’est violent ! ». Elle m’a alors répondu que non, pas forcément. Bien-sûr elle voyait juste, puisque je sentais moi-même mon corps désaccordé, comme si chacune de ses parties n’étaient plus reliées les unes aux autres. Je regarde les synonymes du terme « démembrer » que je trouve trop dur… je lis alors : diviser, fractionner, disloquer, partager. Je crois que cela résume bien la façon dont j’habite mon corps depuis… si longtemps. Elle enchaîne alors en me disant que celui-ci est en punition, c’est-à-dire que je continue de le punir. Elle me partage son étonnement, qu’après tant d’années sur le chemin de la guérison, lui et moi ne soyons pas encore en paix. Je comprends dans nos échanges que mon corps changera lorsque je serais libérée de mes traumatismes, ceux qui appartiennent à mon histoire, ceux dont j’ai hérité de mes lignées. Ce que je tente moi-même d’accepter depuis quelques mois, je l’ai vu à travers son regard désolé et triste : les cicatrices qui parcourent ma peau, la lourdeur de mes kilos émotionnels en trop, la cellulite profonde et douloureuse qui habite mes jambes, les tâches de psoriasis rebelles souvenir d’une crise fulgurante qui parsèment encore des zones loin d’être anodines, une acné d’adulte récalcitrante… Je suis rentrée chez moi habitée par un profond désamour qui me pèse et m’invite aujourd’hui à écrire.

« Pour pouvoir ramasser les diamants, il faut tout d’abord laisser tomber les cailloux que l’on porte dans nos mains. » — Osho

Je poursuis ma rédaction ce vendredi 22 mai, jour de Nouvelle Lune en Gémeaux. Les énergies collectives semblent s’accorder à celles qui me traversent individuellement. Dans sa guidance lunaire, Stéphanie Lafranque écrit : « Le temps de l’envol est arrivé, qu’il s’agisse de projets, de décisions sur notre ligne de vie , de prise de conscience, laissons les irradier le monde. Partageons nos transformations. Tout ce qui rentre en résonance avec les vérités que nous sommes entrain de toucher, qu’elles concernent nous même ou la situation que nous vivons, sont sous cette Nouvelle Lune encouragées à être diffusées. Nous vivons un moment de déploiement, pour cela nous devons couper les liens qui sont encore présents, délier ces cordes qui nous maintiennent au sol. Sous cette lune  déposons sur le bord de la rivière de la nuit, ce qui nous limite et laissons le partir. Cette prise de conscience, ce changement il nous faut le penser, le formuler puis l’affirmer. Comme une formule magique pour lui donner corps ensuite. (…) »

Libres, Phénix et Rois — Tara

Tout renaît de ses cendres

Nous ne nous permettons que rarement d’être vulnérables et ouvert·e·s aux autres autant dans nos parts de lumière que nos parts d’ombre. Pourtant, pour accéder à la lumière, nous avons besoin de traverser des zones sombres. Et c’est bien souvent dans ces abysses, là où tout n’est pas rose, que nous en apprenons le plus. Ce que j’ai à partager aujourd’hui n’est pas vraiment rose, néanmoins je souhaite le déposer ici avec simplicité, sans drame. Je suis sur le chemin de cette guérison précisément reliée à mon corps depuis de nombreuses années et si je sens qu’il est juste pour moi d’écrire aujourd’hui, c’est que je suis prête à tourner une page. Je me sens appelée à vous dire que vous n’êtes pas seul·e·s et que tout renaît de ses cendres.

Mon cœur entre vos mains

Je me relève, je suis debout, je veux vivre

Honorer le clan des cicatrices

« La femme sauvage nous soutiendra pendant le temps de la peine. Elle est le soi instinctuel. Elle peut supporter nos cris, nos gémissements, notre envie de mourir sans mourir. Elle appliquera des remèdes là où ça fait le plus mal. Elle nous chuchotera à l’oreille, elle aura mal pour nous et elle le supportera sans s’enfuir. Certes, nous aurons des cicatrices en grand nombre, mais il est bon de se souvenir qu’en termes d’élasticité et de résistance à la pression, la cicatrice est supérieure à la peau. » — Clarissa Pinkola Estés

Mon corps a traversé de nombreuses tempêtes et je crois qu’il y a un temps pour chaque chose : la souffrance, le déni, la fouille du passé, les larmes, l’acceptation, la guérison, le pardon, le nouveau souffle. C’est à cette étape que je suis arrivée aujourd’hui après de nombreuses années à chercher, comprendre et panser mes plaies. Je suis prête. À l’instant où j’écris, je ne ressens plus le besoin d’aller explorer mon passé pour mettre des visages ou des noms sur certains de mes traumatismes. Je ne ressens plus le besoin d’avoir de nouvelles informations sur la constitution des vingt-six dernières années de ma vie. J’ai pardonné, je me suis pardonnée. Et pourtant oui, mon corps est toujours fêlé. Comment pourrait-il en être autrement après tout ce qu’il a traversé ? Comment oserais-je lui demander d’être plus lisse après avoir reconnût pleinement mon histoire comme une vérité ?

Alors une nouvelle forme de guérison commence pour moi. Elle s’inspire du « kintsugi » qui est l’art de la mise en beauté de la résilience. C’est une technique ancestrale originaire du Japon qui consiste à réparer un objet en soulignant d’or ses fêlures, ainsi ses lignes de failles sont illuminées. Je reprends les mots d’Eugénie @le_cercle qui résonnent en moi : « Rien n’est jamais totalement cassé. Tout peut se réparer. Avec amour, patience, ouverture, courage, confiance et soutien. Se fêler, se briser de toute part pour laisser entrer la lumière, puis ouvrir notre cœur à quelque chose de plus grand. Évidemment, on préférerait ne jamais avoir eu à vivre le pire. Mais c’est là. Alors qu’en faire ? » . Dans cet article, je dépose ma parole à cœur ouvert sur ces traumatismes qui m’ont arraché petit à petit des morceaux de moi-même. Depuis, je crois avoir récolté suffisamment de pièces pour commencer mon kintsugi et transformer pour m’élever et devenir encore un peu plus ce que je suis au plus profond de moi-même. Je suis prête à incarner pleinement mon corps tel qu’il est aujourd’hui, dans toutes ses aspérités. Je suis prête à embrasser toutes ses transformations futures. Je prends la responsabilité de revenir à ma source, de me connecter à mon cœur. Je prends la décision de devenir souveraine de mon royaume et de rayonner pleinement !

Honorer la vie qui nous traverse

Je vous invite à regarder votre corps avec beaucoup d’amour et de bienveillance, à voir le corps des êtres qui nous entourent avec cette même tendresse et humilité. Nous ne savons jamais pleinement ce que les corps d’autrui ont traversé, bien souvent ils·elles, ne le savent mêmes pas eux·elles-mêmes. Soyons reconnaissant·e·s qu’il soit le véhicule de notre âme pour nous permettre de vivre cette expérience humaine, sur cette terre. Soyons empli·e·s de gratitude pour sa résilience, sa capacité d’adaptation, de cicatrisation, peu importe que nous jugions que le résultat n’est pas parfait. Nos vies ne sont pas parfaites, ne sont pas simples, ne sont pas faites uniquement de lumière. Pourquoi demanderions-nous à notre corps de ne pas refléter cette réalité ? C’est en acceptant pleinement nos parts d’ombre que nous nous autoriserons enfin à briller.

Vole — Tara

Illustration : Noémie Klein
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