Poser la première pierre : mon initiation entre sœurs.
En novembre 2018, j’ai participé à mon premier séjour entre femmes. Il s’est déroulé dans un lieu enchanteur que j’affectionne tout particulièrement : La Parenthèse. Dans ce cocon niché en plein cœur de la nature habite la première sorcière que j’ai rencontrée. C’était il y a maintenant une dizaine d’années, dès lors nos chemins se sont entrelacés. Cette femme s’appelle Odile et c’est dans son lieu que j’ai vécu mon initiation au féminin sacré. C’est aussi sur ces terres que Corinne a choisi d’organiser le weekend Femmes de cercle en cercle — Women in process. Durant ce voyage, j’ai rencontré mon premier cercle de sœurs composé en tout de huit femmes. Et si pour moi tout semblait à priori nous séparer, nous sommes aujourd’hui toutes reliées. Une expérience qui m’a permise de réaliser qu’il est possible de nous retrouver, pour partager le temps d’un moment suspendu, notre histoire à chacune, notre histoire commune.
Déposer les armes, me laisser être
Durant les premières heures du séjour, des émotions familières sont venues me rendre visite. Bien les connaître n’atténue pas l’inconfort qui me pèse lorsqu’elles s’immiscent. La difficulté pour moi d’être dans un groupe, avec des personnes inconnues — donc potentiellement dangereuses. Cette difficulté à me sentir à ma place, légitime. Ces peurs d’être rejetée, jugée, de ne pas être aimée. Cette croyance que je ne suis pas à la hauteur, que ma valeur n’a que peu d’importance. Ces mécanismes s’enclenchent naturellement chez moi depuis tellement d’années qu’il m’est encore difficile aujourd’hui de les apaiser entièrement.
Pendant la cérémonie d’ouverture, nous nous sommes installées en cercle et avons tissé nos premiers liens. Il faut savoir que parler en public peut s’avérer douloureux pour moi… cela me demande beaucoup d’énergie de simplement me présenter. C’est chaque fois un véritable exercice que de m’accueillir telle que je suis dans un groupe, c’est-à-dire de m’accepter avec bienveillance à travers mon regard et celui de l’autre. Pourtant, dans cette bulle de douceur, la confiance s’est installée en moi. Dans ce cercle, sur ce lieu, avec ces femmes, l’atmosphère était paisible. Différent de toutes les situations que j’ai pu vivre auparavant et dans lesquelles j’ai eu besoin de me protéger. Ici, j’ai senti que je pouvais déposer les armes.
Découvrir la femme multiple que je suis
Au son du tambour, de la voix des femmes qui chantent, du feu qui crépite, j’ai été bercée. De nombreux rituels ont rythmé ce weekend magique. Des ateliers inspirés des Cercles de Pardon, créé par Olivier Clerc dans l’esprit de Don Miguel Ruiz ou encore de la pratique d’Autolouange créée par Marie Milis. Ce séjour m’a offert du temps pour déposer ma parole, me libérer, me révéler à moi-même et aux autres. Du temps aussi pour chanter, rire, danser, vibrer… Nous avons voyagé en profondeur et en légèreté. Et c’est ainsi que j’ai ravivé pour la première fois depuis longtemps, la joie de mon enfant intérieur. Elle a été profondément reconnaissante que je m’ouvre au lâcher prise, à l’improvisation, au rire… acceptant ainsi de la laisser exister sans jugement. Je réalise qu’elle et moi ne faisons qu’un et que chaque fois que j’ai été dans le contrôle pour me protéger, je l’ai délaissée. C’est en surpassant mes peurs qu’elle s’illumine, alors c’est tout mon être directement qui brille à nouveau et je me sens plus en phase avec ma nature joyeuse.
Souvent nous étions en cercle, une forme qui m’apaise et symbolise désormais pour moi cette reliance entre femmes. Souvent aussi, nous étions plongées dans la nature. Ici j’ai commencé à me relier à la femme sauvage que je suis, à concrétiser ce savoir que nous sommes parents avec toute forme de vie. M’immerger consciemment dans la nature m’a révélé une puissance que je ne me connaissais pas : elle se matérialise dans mon corps et m’ancre pleinement dans la Terre. C’est ce lien que nous avons tous, avec tout être vivant. Une invitation à célébrer le sacré en soi et en tout chose.
Je commence à peine à me découvrir… et cette nouvelle conscience m’émerveille : je suis multiple.
Deux semaines plus tard, j’envoie cette lettre aux participantes de la retraite :
Chères soeurs de cercle en cercle,
Je suis rentrée à Paris depuis quelques jours maintenant, après deux longues et divines semaines d’exploration du féminin, entre femmes. J’ai repoussé l’écriture de ce message car je savais qu’il annoncerait pour moi le temps de prendre une grande respiration et de faire le point. J’ai envie de vous partager ces mots, écrits dans mon carnet le samedi 3 novembre, près de vous :
« Quelle joie, quel bonheur, quel cadeau que celui-ci. Être venue ici, le temps d’un week-end entre femmes, dans un lieu de pure magie, pour me reconnecter à moi-même et aux autres. Aussi pour me déconnecter de toutes mes croyances, mes peurs et mes habitudes. Autour du feu ce matin, j’ai remercié les femmes qui participent à cette retraite pour leur présence, car c’est pour moi la preuve que « c’est possible ». Puis, je me suis remerciée moi-même, d’avoir suivi mon intuition et les conseils de mes proches car c’est aussi une preuve que « c’est possible ». Enfin, j’ai remercié Odile pour son accompagnement depuis toutes ces années, pour m’avoir aidé à réaliser que finalement, tout est possible.
C’est ma première « thérapie » en groupe et je découvre la puissance des mots, des histoires, des expériences, de l’écoute et du partage. La puissance de cette connexion, de cette union qui se créer entre nous. (…) Lorsque chacune prend la parole je ressens un écho en moi, comme si leurs mots / maux résonnaient profondément dans mon corps. Je ne ressens pas le besoin de m’exclamer « moi aussi » pourtant il y a en moi une profonde gratitude d’être témoin et soutien… c’est très fort de se sentir connectée et il n’y a pas de mot pour l’exprimer. Simplement être là, en conscience. Avoir conscience de ce lien qui se tisse par delà l’expression du langage, c’est quelque chose de plus subtil encore, de sacré. Et c’est beau. (…) Lorsque Lucie a parlé de sa transition, de la « mue » dans laquelle elle se trouve en ce moment, j’ai été émue. J’étais partagée entre la joie et la surprise de découvrir ne pas être la seule dans le groupe à vivre cela en ce moment. Puis, Pascale a repris cette formulation et toutes les deux ont exprimé avec beaucoup de justesse ce que je suis en train de vivre… Alors l’émotion m’a submergée et j’ai pleuré. À ce moment où c’était mon tour de parler, j’étais chamboulée, d’un mélange d’émotions d’une personne qui comprend qu’elle est à sa juste place. (…) Alors, je m’autorise à laisser un peu de place et à baisser les armes. »
Ce temps suspendu à vos côtés a été la première pierre posée pour la construction de ma nouvelle vie. Je suis pleine de gratitude d’avoir croisé votre chemin et vous suis si reconnaissante pour cet espace de sécurité et de partage que nous avons créé ensemble. Vous êtes les témoins de ma première exploration du féminin. Ce que j’ai ressenti là-bas, avec vous, c’est la puissance. La puissance des femmes : de l’amour inconditionnel que nous éprouvons, de l’empathie profonde dont nous sommes dotées, de la force et du courage dont nous faisons preuve chaque jour et de ce naturel « soror » * qui sommeille en nous. C’est quelque chose que j’espérais et ressentais intensément sans l’avoir vraiment expérimenté, cette union naturelle qui se créer entre femmes lorsque nous sommes dans un espace protégé. C’est ma plus belle découverte, et elle vient nourrir tous mes rêves et espoirs.
*soeur, du latin soror
Merci du fond du coeur, je vous embrasse de douceur.
— Lettre écrite et envoyée le 27 novembre 2018.