Illustration : @bosquetro


De novembre 2018 à mai 2019, j’ai participé à trois weekends intitulés « Heart of Sisters ». Un cycle entre femmes pour explorer les différentes saisons du féminin et inventer une vie de femme plus libre, plus consciente, plus épanouie. Un voyage dansé guidé par la médecine d’un être extraordinaire, Virginie Rastello. Ma rencontre avec elle est indélébile tant il y a pour moi un avant et un après. Elle m’inspire la possibilité que tel un phénix, il est possible de renaître de ses blessures en femme puissante.

« Heart of Sisters » est une invitation à s’autoriser à nous rencontrer sans masque, dans notre authenticité la plus pure. Aussi à retrouver notre essence de femme et partir à la rencontre de celles qui nous entourent. Ce cycle nous propose de nous libérer des rôles que nous pouvons jouer au quotidien et qui nous éloignent les unes des autres. C’est une opportunité d’oser à la fois notre vulnérabilité et notre puissance dans un cadre bienveillant. L’outil principal est la danse comme une médecine, un processus d’auto-guérison qui agit sur tout notre être (corps, esprit, âme, cœur). Dans le mouvement, nous découvrons pas après pas qui nous sommes, notre part de contribution dans cette vie et la manière dont nous pouvons éclore sur terre. Douce lecture…

Le dossier « Heart of Sisters » est composé de trois articles :
Heart of Sisters #1 : l’appel de la danse médecine
Heart of Sisters #2 : la puissance des femmes
Heart of Sisters #3 : des hommes, des frères

Weekend #2 — 9 et 10 février 2019

Plonger dans le cœur de mes sœurs… et m’y voir en miroir

Comme pour chaque atelier avec Virginie, nous avons démarré ce nouveau weekend par un cercle de parole. Les unes après les autres, nous sommes invitées à exprimer le ressenti que nous avons dans l’instant, avec quoi est-ce que nous arrivons, quelles sont les émotions que nous portons… Il y a quelque chose de puissant dans ce rituel d’ouverture : ne pas pouvoir savoir à l’avance quels mots notre âme va déposer dans le cercle. Chaque fois je me surprends à construire mon discours dans ma tête, en espérant me souvenir des phrases une fois mon tour arrivé. Chaque fois je suis surprise de réaliser que le mental laisse place aux paroles spontanées du cœur. Rien n’est prévisible, ce qui est très déroutant… car en m’écoutant parler, j’apprends en même temps que les femmes qui m’entourent, ma vérité du moment.

Ce jour ci, celle-ci m’a beaucoup chamboulée. En arrivant sur le lieu du stage, je me suis sentie affaiblie et perdue, alors que j’étais à priori plutôt dynamique les jours précédents. C’est comme si j’attendais ce weekend, d’être dans un cadre sécurisé, pour enfin lâcher-prise. À l’instant où j’ai passé la porte je savais que j’étais autorisée à être, sans jugement, alors je me suis déposée ici dans cet état de fragilité. Lorsque mon tour est arrivé, je me suis entendue dire : « J’ai peur que vous ne soyez pas fière de moi et du chemin que j’ai parcouru depuis notre dernière rencontre… ». J’étais déçue aussi d’arrivée dans cet état de fatigue, puis de tristesse, car j’appréhendais de ne pas être à la hauteur pour honorer ce weekend sacré et ces femmes formidables. Ce n’est pas exactement la façon dont je rêvais de démarrer ce deuxième séjour, néanmoins, c’est l’expérience que j’avais à traverser à ce moment là. Nous accueillir avec tendresse et compassion, c’est aussi ça « Heart of Sisters ».

Durant ces deux jours nous avons exploré notre intégrité et notre responsabilité, les deux ailes de notre puissance de femme. Nous avons donc approfondi différentes thématiques comme : notre relation au donner et au recevoir, notre moi authentique, les jeux de rôle et de pouvoir dans lesquels nous nous glissons inconsciemment, nos mécanismes de protection et de défense… Nous sommes allées débusquer nos préjugés, nos habitudes… finalement, tout ce que nous avons mis en place pour répondre aux différentes injonctions et qui nous paraît aujourd’hui erroné.

Quelle a été ma plus grande épreuve ? Oser dire « non ». Pas un petit « non » murmuré ou une parole lancée en l’air… bien au contraire. C’est un « non » ferme et assumé que j’ai libéré la tête haute. En binôme, chacune à notre tour, nous devions faire vibrer notre « non ». Pas seulement avec la voix, de tout notre corps aussi en réalisant des postures qui ressemblent à l’image que je me fais des arts martiaux. Cet atelier s’est révélé profondément libérateur pour moi. D’abord, dans d’autres circonstances je ne me serais pas abandonnée à un jeu de rôle comme celui-ci. Par peur de dévoiler une partie de moi, peut-être. D’être jugée, certainement. De me faire peur à moi-même, sans aucun doute. C’est ce qu’il y a de magique avec l’espace que Virginie tient : je m’y sens en toute sécurité pour expérimenter toutes les nuances de la femme que je suis.

Pourquoi suis-je si fière d’avoir réussi à crier, hurler, chanter, clamer… mon « non » ? Il est rare de pouvoir rugir de tout son soûl. L’envie de crier ne m’est pas inconnue, la chance de pouvoir le faire par contre… En tant que femmes, nous avons tant de raisons de vouloir hurler avec rage : que ce soit nos raisons personnelles, celles de nos lignées, celles des femmes du monde et d’autres temps. Alors quand il est question de crier ce petit mot qu’est le « non », se réveille en moi une colère familière que je laisse rarement s’exprimer. Cette violence qui émane ne trouve guère sa place en société. Je me sens alors chanceuse d’avoir pu la libérer dans le cadre propice de ce stage pour que celle-ci ne soit plus un poids et se transforme en saine colère.

Comprendre mon histoire pour me libérer de mes chaînes. Je me remercie d’avoir élevé ma voix. « Non » est un mot que j’ai plus souvent entendu à mon égard que prononcé. Associé à la colère, il fait ressurgir des mémoires douloureuses. Parce que cette association me remémore des souffrances, je ne me suis jamais autorisée à emprunter ces mêmes traits de peur de devenir moi-même un bourreau. Alors pendant longtemps je me suis tapie dans l’ombre, osant peu élever ma voix, loin de la laisser vibrer de toute sa puissance. Pour ces mêmes raisons, une femme de mon cercle a ressenti un blocage pendant cet atelier et est restée silencieuse. En miroir, je vois tout le chemin que j’ai parcouru pour accomplir cette revanche : couper le lien que je maintenais avec ceux qui m’ont fait du mal.

Crier nos peines ne fait pas de nous des monstres, être en colère ne fait pas de nous des persécuteurs. Alors de tout mon cœur je rugis pour me libérer et, avec humilité, je prête ma voix à toutes celles qui ne peuvent pas (encore) le faire.

Le weekend a été nécessaire pour que je comprenne mes paroles déposées dans le cercle le samedi matin. « J’ai peur que vous ne soyez pas fière de moi et du chemin que j’ai parcouru depuis notre dernière rencontre… ». Tel un compte à rebours, le tic toc du temps qui passe résonne en moi. Je me suis mise en tête que je n’avais pas rempli ma part du contrat. Car oui s’il y a une personne qui me juge ici, c’est moi-même… et cette phrase m’était destinée. M’offrir une année de parenthèse n’éloigne pas toujours la culpabilité. Celle qui me dit que je ne vais pas assez vite : pour apprendre, comprendre, construire mon projet, intégrer, créer, produire, expérimenter… Cette culpabilité même qui réveille ma peur de ne pas être suffisante, de ne pas évoluer. Les vieux schémas ont la peau dure.

Grâce au soutien, à la force et à la guérison que j’ai reçus de la part de mes sœurs, j’ai pris conscience qu’il n’y a nulle part où aller. Il n’y a aucune destination. Tout est déjà là, en chemin. Je suis reconnaissante pour la confiance mutuelle que nous nous accordons ensemble, de simplement ÊTRE. Éreintée, joyeuse, bouleversée, radieuse, en colère, lasse, triomphante, calme… Je réalise que peu importe leur vérité du moment, j’éprouve pour elles une infinie douceur. Il est temps que je m’autorise la même bienveillance : accepter d’être une femme cyclique, aller à mon rythme, écouter mon propre courant en prenant le temps.

Hang Massive — The Secret Kissing of the Sun and Moon


À toutes mes sœurs de danse qui m’accompagnent depuis le premier jour : Anne, Aurore, Birgitta, Cécile, Claire, Clara, Elodie, Hélène, Inès, Isabelle, Jocelyne, Karine, Marie, Marion, Nathalie. À Virginie pour sa guidance. Reconnaissance éternelle ❤

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