De novembre 2018 à mai 2019, j’ai participé à trois weekends intitulés « Heart of Sisters ». Un cycle entre femmes pour explorer les différentes saisons du féminin et inventer une vie de femme plus libre, plus consciente, plus épanouie. Un voyage dansé guidé par la médecine d’un être extraordinaire, Virginie Rastello. Ma rencontre avec elle est indélébile tant il y a pour moi un avant et un après. Elle m’inspire la possibilité que tel un phénix, il est possible de renaître de ses blessures en femme puissante.
« Heart of Sisters » est une invitation à s’autoriser à nous rencontrer sans masque, dans notre authenticité la plus pure. Aussi à retrouver notre essence de femme et partir à la rencontre de celles qui nous entourent. Ce cycle nous propose de nous libérer des rôles que nous pouvons jouer au quotidien et qui nous éloignent les unes des autres. C’est une opportunité d’oser à la fois notre vulnérabilité et notre puissance dans un cadre bienveillant. L’outil principal est la danse comme une médecine, un processus d’auto-guérison qui agit sur tout notre être (corps, esprit, âme, cœur). Dans le mouvement, nous découvrons pas après pas qui nous sommes, notre part de contribution dans cette vie et la manière dont nous pouvons éclore sur terre. Douce lecture…
Le dossier « Heart of Sisters » est composé de trois articles :
Heart of Sisters #1 : l’appel de la danse médecine
Heart of Sisters #2 : la puissance des femmes
Heart of Sisters #3 : des hommes, des frères
Weekend #3 — 11 et 12 mai 2019
Exploration du Féminin et du Masculin : le temps de la réconciliation ?
Pendant ces trois weekends, Virginie nous a amenées à nous interroger sur notre vision du masculin, notre rapport avec les hommes de notre vie et avec l’homme en général. Un travail exploratoire pour identifier les espaces en nous qui ont besoin de mise à jour et de guérison. Une préparation à rencontrer le masculin avec un regard neuf et plus ajusté. En effet, le cycle « Heart of Sisters » s’est déroulé en parallèle de celui avec un groupe d’hommes : « Heart of Brothers », mené par Ben Yeger. La dernière journée, le dimanche 12 mai, nous nous sommes donc rencontrés pour partager (dans la danse) des alternatives pour changer les histoires d’incompréhension, de séparation et de difficultés entre les hommes et les femmes. Aussi, comment nous pouvons réinventer une relation plus juste avec nos parts de féminin et de masculin sacrées, au-delà des genres.
Je me souviens de nos premières heures de stage, lorsque Virginie nous a présenté le programme du cycle Heart of Sisters que nous venions d’entamer. Je ressens encore ce frisson qui nous a traversé à l’annonce de cette journée mixte. Je distingue nos murmures d’appréhension partagée. La bête noire du stage pour moi et pour d’autres sœurs c’était elle… cette dernière danse. À ce moment là, cette idée de promiscuité avec des hommes m’était inconcevable. Je sentais déjà la peur monter et je ne voulais pas trop y penser. Après tout, nous n’étions qu’en novembre, j’avais le temps de voir venir et de me préparer. Mais à quoi au juste ? Et comment ? Était-ce seulement possible d’imaginer ce que j’allais vivre pendant cette journée ?
Comment parler de ce qu’il se passe ici aujourd’hui… comment trouver les mots… en existent-ils pour parler avec justesse d’une expérience aussi sacrée ? J’étais terrorisée à l’idée de cette journée. Aussi irrationnel que cela puisse paraitre, j’avais peur de souffrir. Quel bonheur pour moi, quelle délivrance de me voir en vie après cette matinée. En vie : vivante et en paix. Bien sûr, je ne dis pas que cela est simple. Je suis en train d’affronter mes plus grandes peurs, mes traumatismes les plus profonds. Néanmoins, j’ai réussi à trouver ma place au sein de ce groupe d’hommes et de femmes. J’ai dansé avec délicatesse, tendresse, rires et larmes. Ce n’est pas aussi inconfortable que je l’avais imaginé. Il y a de la joie en moi, je ne peux pas le nier. — extrait écrit le 12 mai
Ce volcan explosif, une colère obscure contre les hommes
Le cercle d’hommes n’a finalement jamais été bien loin du notre. Virginie était là pour nous le rappeler. À chaque ouverture et fermeture de nos cercles de sœurs, nous avons eu une pensée reconnaissante pour eux. Un temps de silence pour nouer un lien avec quelque chose d’encore intouchable et mystérieux. Que des hommes puissent être sur le même chemin que nous en miroir, pardonnez-moi s’il me fallait le voir pour y croire. En toute sincérité, ce n’est qu’une fois les avoir rencontré que j’ai compris la justesse de ces temps de recueillement. Avant cela, j’avais près de moi tout ce qu’il me fallait : un clan de louves rassurantes, aimantes, bienveillantes. Autrement dit, un précieux cadeau de la vie que je n’étais pas encline à partager avec l’ennemi — comment ça nous ne sommes pas en guerre ?
Comme c’est inconfortable pour moi d’utiliser si spontanément le champ lexical du conflit lorsque je parle des hommes. Et pourtant, cette violence a longtemps coulé à flot en moi. Grâce aux femmes avec lesquelles j’ai eu la chance d’échanger sur mes émotions, j’ai reçu une première guérison. J’ai pris conscience que je ne suis pas seule à être traversée par cette colère obscure. Malheureusement, ne plus avoir à porter ce fardeau sur mes simples épaules est une délivrance douce-amère. Trouver une communauté de femmes dont les épreuves de la vie font écho aux miennes est un soutien inestimable. Et cela a créé un besoin viscéral de comprendre pourquoi nous sommes tant de femmes a être habitée par ce volcan explosif quand il s’agit de notre relation aux hommes.
Hier, j’ai pris conscience de tous les blocages qui sont encore cristallisés dans ma chaire. Durant cette crise d’angoisse, ma terreur à rencontrer les hommes aujourd’hui s’est révélée. Sur mon visage se sont dessinés les traits d’une enfant effrayée. Ce matin, je me sens plus légère bien que j’appréhende cette journée mixte, à égalité parfaite — 14 femmes pour 14 hommes. Aujourd’hui, je peine à ressentir le fameux « girls power ». Ce n’est pas comme si je partais en guerre mais plutôt pour un grand débat, quelque chose d’un peu conflictuelle où il faudrait se défendre. Je me dis : « On vient entre femmes, entre sœurs, on a voyagé longtemps ensemble, on est proches et soudées… et vous les mecs, en face là, vous n’allez pas pouvoir nous toucher, nous abîmer, nous faire de mal. C’est un clan de louves qui arrivent et avant de protéger l’humanité, elles vont déjà se protéger elle-même et entre elles. Et vous allez devoir en baver pour vous frayer un chemin dans notre bulle sacrée. » Voilà, je réalise à quel point je suis dans cet état d’esprit. Il y a les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. Et les femmes doivent se soutenir entre elles, parce qu’un jour il y a eu un risque, un danger. Plus jamais. Je réalise que je vais à cet atelier qui est complètement bienveillant avec des hommes qui le sont tout autant, en restant sur mes gardes. Je le sais, cela fait des mois qu’ils travaillent sur leur féminin et masculin sacrés. J’honore leur chemin et cette envie qu’ils ont de se reconnecter au vivant. Néanmoins, j’ai en moi des peurs bien installées… J’essaie de m’apporter de la douceur… j’ai mal d’être encore dans ce schéma qui ne me parle pourtant plus. Guérir demande beaucoup d’amour… — enregistrement vocal réalisé le 12 mai, en route vers le lieu du stage
Je pense qu’il me faudra plus d’une vie pour faire le tour de ce sujet. Il est si complexe car il vient toucher un héritage qui nous dépasse et qui est si lourd à porter, autant pour les femmes que pour les hommes. Il y a tant de publications à ce sujet, pour ne citer que mes dernières lectures : « Sorcières » et « Beauté fatale » de Mona Chollet, « King Kong Théorie » de Virginie Despentes, « La cause des femmes » de Gisèle Halimi… ou encore le précieux « Un podcast à soi » de Charlotte Bienaimé, à écouter sans modération.
Ces dix dernières années, j’ai moi-même plongé au cœur de ce sujet en explorant mon enfance, mes lignées, mon éducation, les violences et injustices dont j’ai été victime, mes blessures, mes relations, mes croyances… Ces derniers mois, je me suis invitée à passer par le corps plutôt que par l’esprit pour me guérir et me libérer. C’est-à-dire expérimenter dans ma chaire, plutôt que de ressasser le passé. En ce sens, la danse médecine, le chant et le yoga sont des outils très puissants. Aujourd’hui, je souhaite m’investir dans ce que je désire profondément plutôt que de me battre pour ce que je ne veux plus. Je souhaite honorer le passé, vivre le présent et créer mon futur, dans la ronde de l’acceptation, de l’intention, et de l’action. Ainsi, je fais le choix de ne pas partager dans cet article toutes les raisons pour lesquelles je suis en colère contre les hommes. Croyez-moi, ce sont pourtant de bonnes raisons, comme nous en avons toutes. Laissez-moi vous partager les miracles de ce voyage dansé encadré par Virginie et Ben. Des enseignements qui vont bien au-delà de toutes les peines qui nous enchaînent.
Cela demande de la préparation de se connecter ensemble. C’est une belle métaphore de la vie. Tout notre travail préparatoire nous a permis de nous présenter aujourd’hui dans notre vérité. C’est la clé pour la paix… partout, en soi, avec l’autre : nous rencontrer dans toute notre intimité, débarrassé de tous les préjugés que nous pouvons avoir sur les genres. Ici, nous n’avons pas d’identité. Orlane, son histoire, ses blessures, ses croyances ne sont pas des conditions d’appréciation, d’acceptation. Nous sommes. Je suis. Il n’y a rien d’autre. Nous dansons d’âme à âme, de cœur à cœur. Nous dansons dans la profondeur de nos êtres. Peu importe notre histoire sur cette terre, dans cette forme de vie. — extrait écrit le 12 mai
Mes prises de conscience, enseignements retirés et pistes de réflexions :
COMPRENDRE LE FÉMININ ET LE MASCULIN COMME UNE MÊME ÉNERGIE QUI CIRCULE EN CHAQUE ÊTRE HUMAIN
La lune et le soleil, la réceptivité et l’élan, l’intériorité et l’ouverture, le chaos et l’ordre… le féminin et le masculin. Je parle ici du féminin et non des femmes. Du masculin et non des hommes. Et si je ne souhaite pas particulièrement poser des étiquettes figées, ces images m’éclairent néanmoins sur les qualités de cette énergie qui circulent en nous. Pour moi, les catégoriser est une première étape pour me permettre de prendre conscience de ces deux forces : l’une allant vers l’intérieur (Yin), l’autre allant vers l’extérieur (Yang). L’idée n’est pas de nourrir la dualité en opposant ces deux polarités. Je souhaite simplement retranscrire cette expérience que j’ai faite en renouant avec mes parts « féminine » et « masculine », ainsi qu’en conscientisant le fait que les hommes sont dotés de cette même énergie. Car je crois qu’à l’intérieur de chaque être humain et à chaque instant, ces deux polarités cohabitent. Elles existent uniquement en inter-relation l’une avec l’autre. Finalement, ne sommes-nous pas tous un mélange de ces deux mouvements qui vivent en union en nous ? Réaliser et ressentir cela dans mes danses, ces derniers mois, a été un profond enseignement. J’ai pu faire la paix avec des parts de moi dont j’avais honte, que je n’acceptais pas ou ne laissais pas exister. Cela m’a aussi aidé à apaiser les tensions que j’ai avec les hommes.
Dans une de ses publications sur Instagram, Camille Sfez — auteure du livre « La Puissance du Féminin » — a écrit ceci : « Dans le YiKing, l’animal symbolisant le yin est la panthère, celui symbolisant le yang est le tigre. Deux animaux de même beauté, de même puissance, mais ayant des techniques de chasse très différentes. Le tigre court et épuise sa proie, la panthère chasse la nuit, attend sur une branche et tombe sur la gazelle. Deux stratégies différentes, autant valables l’une que l’autre. (…) Alors que se passerait-il si la panthère arrêtait de vouloir chasser le jour, pour pleinement valoriser son saut par surprise, sans effort ? » Ce à quoi elle ajoute plus tard en commentaire : « Les femmes, aujourd’hui encore, rêvent de chasser comme les tigres alors qu’elles devraient se rappeler qu’elles ont d’autres manières de faire. »
Appréhender le féminin et le masculin comme une énergie unie, tout en respectant la singularité qu’il y a à être une femme ou un homme, est tout l’enjeu de cette quête. Faire danser ces deux polarités en nous et autour de nous : dans notre couple, dans nos relations, dans notre vision de la société… tout en étant pleinement nous-même dans notre vérité, est aussi complexe que subtil. Il me semble pourtant que c’est une réflexion essentielle à nourrir pour l’harmonisation du monde, la création d’une société plus juste et l’instauration d’une relation saine et durable entre les femmes et les hommes. À poursuivre…
LES HOMMES ET LES FEMMES, EN RENCONTRANT L’AUTRE, SE RENCONTRENT
À la question : « Quelles stratégies ai-je mises en place pour me protéger des hommes ? » posée par Virginie, « le jeu de la séduction » était l’une de mes réponses. Être séductrice est l’un des masques de protection que je revêts pour être dans le contrôle et maîtriser l’image que je partage de moi. La veille de rencontrer les hommes dans la danse et en miroir avec l’une de mes sœurs de cercle, j’ai pris conscience de cet engrenage. Si je ne suis pas dans un rapport de séduction, alors je n’arrive pas à communiquer avec les hommes. En réalité, j’ai la croyance que, si je m’autorise à me montrer dans ma vérité donc à être vulnérable, alors je suis en danger. Je prends tout juste conscience de ces rôles que j’endosse dans ma vie… Ce dimanche 12 mai, j’ai pris le risque incroyable d’être moi-même, c’est-à-dire de laisser tomber mes costumes. Quand tout notre référentiel s’effondre, alors tout devient possible. Mon miracle réside en ces quelques mots, tout mon être a vibré de cette découverte.
Cette journée de danse mixte clôturait le cycle Heart of Sisters and Brothers. Ainsi, nous sommes entrés en cérémonie pendant quelques heures suspendues. Les cinq dimensions selon le mandala de la Movement Medecine © nous ont notamment guidées. Nous avons dansé avec et pour : nous-même, nos proches, les communautés, les ancêtres et les esprits, le divin ou l’univers. Pour traverser cette cérémonie nous avons formé des groupes de trois personnes, j’étais ainsi avec une sœur et un frère. Le fonctionnement était simple, nous avions chacun une lettre A, B ou C. Pendant que A dansait, B était témoin et C pouvait méditer, se reposer, écrire. Puis, nous changions. J’avais donc une chance sur deux pour que mon témoin soit un homme. Ce rôle est essentiel pour le danseur ou la danseuse. Avec son regard neutre et sa présence inébranlable, il incarne la preuve de l’expérience qui est en train d’être vécue. L’univers a choisi que je travaille sur mon acceptation d’être vue par un homme.
J’ai dansé avec le regard d’un homme en témoin. Je me suis mise à nue dans ma danse en sachant qu’un regard bienveillant masculin était posé sur moi, sans aucun jugement. Je suis si fière. La sincérité est venue à moi. J’ai dansé en étant plus qu’une belle jeune femme. J’ai dansé sans rechercher à séduire, sans volonté de plaire ou d’être aimée. Parfois mon mental m’a questionnée : mes mouvements sont-ils suffisamment beaux ? suis-je agréable à regarder ? Comme si je ne devais pas décevoir mon témoin, comme si je ne voulais pas qu’il regrette d’assister au spectacle. Pourtant, une infinie soif d’authenticité cachée dans mes cellules a pris le contrôle de mon corps. Ce profond désir de vérité était trop fort pour jouer un rôle. — extrait écrit le 12 mai
Il me fallait le voir pour y croire. Je nous ai contemplé, frères et sœurs, partager ce même chemin. Je crois que le féminin et le masculin sacrés des hommes et des femmes demandent à guérir, ensemble. Alors, une nouvelle certitude est née en moi. Celle qu’il me faut accepter le masculin en moi et inclure les hommes sur mon chemin, pour retrouver mon essence de femme. Dans mon trio avec une sœur et un frère de danse, j’ai ressenti l’écho… Celui-là même que je croyais être uniquement possible avec des femmes en miroir. Mon cœur a vibré aux mots · maux d’un homme et j’ai été bouleversée par cette rencontre d’un nouveau genre.
À toutes mes sœurs de danse qui m’accompagnent depuis le premier jour : Anne, Aurore, Birgitta, Cécile, Claire, Clara, Elodie, Hélène, Inès, Isabelle, Jocelyne, Karine, Marie, Marion, Nathalie. À Virginie pour sa guidance. À tous mes frères de danse et aux hommes en chemin. Reconnaissance éternelle ❤